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Journal d'un ségoléniste ! Et autres petites histoires !
15 août 2009

SARKOZY REMET EN CAUSE LA LAICITE DE LA DIPLOMATIE FRANCAISE : UN "POLE RELIGIONS" AU QUAI D'ORSAY. VICTOIRE DE LA POST-RELIGION

Sous couvert de "modernisation", le ministre atlantiste et libéral des Affaires étrangères de la France de Nicolas Sarkozy, Bernard Kouchner, vient de créer un "pôle religions" pour intégrer ces dernières dans sa réflexion "stratégique" sur le monde..

Bernard_Kouchner_et_Condoleezza_Rice

Dans la foulée contre-révolutionnaire de la "laïcité positive", de la "christianisation antirépublicaine de l'histoire de France", de la confusion gravissime entre sociétés d'origine chrétienne et Europe politique, entre Islam - aire de culture musulmane - et islam - confession musulmane  ou encore entre État d'Israël et judaïsme -, le Quai-d'Orsay, sous Nicolas Sarkozy, dépolitise sa vision des conflits du monde pour la confessionnaliser et ajouter à la confusion ambiante...

 

APPEL POUR UNE VIGILANCE REPUBLCAINE

Ségolène Royal, Dominique de Villepin, François Bayrou avaient signé un "Appel pour une vigilance républicaine" lancé par l'hebdomadaire Marianne, dénonçant la dérive interne et externe de la politique anti-laïque de Nicolas Sarkozy.

 

 

JEAN-LOUIS SCHLEGEL

"Le type de raison qui gouverne la modernité technique [...] est une raison pratique, utilitaire, dans un monde désenchanté - sans moyens "magiques", mais aussi, si l'on peut dire, sans poésie sans surprise, sans émotions ni passions."

"Les insatisfaits peuvent trouver des "réponses" de type religieux pour s'en sortir. Mais, contrairement à ce qu'ils croient ou prétendent, ces réponses religieuses ne signifient pas un retour aux formes anciennes du religieux, celles des temps traditionnels ou même celles
des origines.

La religion vécue dans les temps modernes, a fortiori quand elle est en réaction contre eux, est sans le dire ou sans le savoir marquée par eux : ainsi l'individualisme, si présent dans les sociétés postmodernes, imprègne subrepticement les comportements des intégristes et des fondamentalistes."

La_loi_de_Dieu_contre_la_libert__des_hommes_de_Jean_Louis_ShlegelJean-Louis Schlegel

La Loi de Dieu contre la liberté des hommes,

Intégrismes et fondamentalismes

.

 

 

LA CONFUSION ENTRE "RELIGION" ET POLITIQUE : LES NEOCONSERVATEURS ÉTATS-UNIENS ET LA GUERRE D'IRAK

Après la fin de la Guerre froide, l'affrontement idéologique entre "monde libre" et "communisme" n'était plus opérant pour la diplomatie états-unienne.

La courte euphorie de la "fin de l'histoire" et, politiquement parlant, la "tranquille domination mondiale" des États-Unis, furent remises en cause par l'attentat du 11 septembre 2001, à  New York notamment. La dramaturgie de l'histoire rattrapait tragiquement les États-Unis d'Amérique et leurs alliés européens.

Le grave problème est qu'idéologiquement, les néo-conservateurs étaient alors aux commandes du Pentagone et que George W. Bush, à défaut de vision propre, suivit leurs conseils en commençant par interpréter cet attentat, non pas comme un événement proprement politique, mais comme un événement mystico-religieux...

 

 

C'est ainsi qu'un "axe du Mal" - ennemi total succédant symboliquement à l'U.R.S.S. -, regroupant avant tout des pays de culture musulmane à population de confession islamique, fut défini et que le président des États-Unis d'Amérique décida de partir "en croisade" contre ceux-ci...

La guerre contre l'Irak, justifiée par des mensonges alors dénoncés par la France de Chirac, s'inscrivit ainsi dans une sorte de nouvel affrontement manichéen "bloc contre bloc" : "le monde démocratique" contre "l'axe du Mal" ou, du point de vue opposé, "l'Oumma" contre les "Croisés d'Occident".

 

 

 

Nombre d'erreurs stratégiques, géopolitiques et, évidemment, de tragédies humaines, trouvèrent dans cette confusion originelle leur source : méconnaissance de la complexité communautaire de l'Irak, dissolution de l'armée nationale,  démantèlement des structures étatiques en place, encouragement des communautarismes locaux et donc guerre civile.

Le simplisme, qui est toujours une faute politique en diplomatie, faisait l'impasse sur la réelle complexité du monde.

L'idéologie du "retour de la religion" permettait de mieux dénier cette réalité et la diplomatie guerrière de Bush semblait se nimber dans le champ d'une "guerre de religions".

Alors qu'il s'agissait bien d'un conflit politique, touchant au vivre-ensemble de la communauté internationale...

Conflit dans lequel, comme le rappelle Jean-Louis Shlegel dans La loi de Dieu contre la liberté des hommes, les "religions traditionnelles" sont instrumentalisées et colonisées par des mouvements politiques modernes, rejetant eux-mêmes la modernité occidentale.

C'est à tout ce salmigondis explosif que la France de Jacques Chirac -dans une veine gaullienne étrangère à Nicolas Sarkozy - s'opposa, réaffirmant la doctrine diplomatique traditionnelle de l'Hexagone - au-delà de ses seuls intérêts bien compris - qui certes existaient mais  qui, contrairement à ce que prétendirent les adeptes de la théorie du complot, ne déterminaient pas la politique étrangère française.

 

 

 

A savoir que :

  • l'Humanité est enchâssée dans des communautés politiques
  • que le Vatican lui-même agit comme un Etat
  • la communauté mondiale est donc une communauté internationale
  • la diplomatie est inter-étatique et fondée sur le dialogue des États
  • l'État-nation ou les fédérations d'États-nations sont donc les acteurs de la vie internationale
  • la stabilité du monde dépend donc de l'existence d'États "efficients" et de peuples représentés par ceux-ci
  • l'État est l'entité juridique, la personnalité juridique intervenant dans le cadre du droit international
  • l'encouragement des sociétés civiles ne peut se faire uniquement contre les États en place
  • l'ONU est l'institution légitime pour réguler les conflits mondiaux
  • la défense des droits de l'homme et du citoyen
  • la diversité des cultures, des "grandes régions", des continents, des États et des populations doit être respectée une fois ce cadre politique général et commun reconnu.

L'émergence d'acteurs non-étatiques s'attaquant frontalement à des États ne devait donc absolument pas être légitimée.

En l'espèce, la nébuleuse terroriste islamiste Al Qaeda ne devait pas devenir l'interlocutrice des États-Unis d'Amérique mais être combattue, au nom de la stabilité du monde et des États de la région dont elle-même était issue et qu'elle combattait - les premiers ennemis d'Al Qaeda étant les États de l'aire culturelle musulmane intégrés à la communauté internationale, qualifiés de traîtres et d'ennemis de l'islam.

 

 

 


C'est à ce prix que devait être évité ce que l'on appela le "choc des civilisations", en comprenant bien, qu'en fait, cette vague notion recouvrait un pseudo "choc des religions".

Or, que firent les États-Unis de George W. Bush? Exactement l'inverse. Avec l'approbation, et sûrement l'admiration, du Nicolas Sarkozy d'alors...

Le même Nicolas Sarkozy qui, faisant de la France la "fille aînée du bushisme", annoncera l'envoi de troupes françaises dans le bourbier afghan et le retour du pays dans le commandement intégré de l'OTAN, en des termes flaîrant bon le "choc des civilisations"...

Au lieu de concentrer toutes leurs forces sur la décapitation d'Al Qaeda, sur l'arrestation et le procès - qui eût été mondialement exemplaire -, de son chef, Oussama Ben Laden,  les États-Unis déclenchèrent une guerre contre l'Irak et, plus grave encore, un démantèlement de cet État, notamment via son armée.

Ségolène Royal, candidate socialiste contre Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2007, avait d'ailleurs à l'époque rappelé sa ferme opposition à la guerre menée par l'administration de Bush en Irak, qu'elle qualifiait de "catastrophe"...

 

 

 

Elle avait été accueillie, en Israël, dans les Territoires palestiniens de Gaza et au Liban, très favorablement, contrairement aux dénigrements de la droite.

 

S'attachant à s'adresser aux jeunesses de ces territoires meurtries.

 

La radicalisation des communautarismes néo-religieux musulmans, chiites et sunnites, la métastase d'Al Qaeda au-delà des Proche et Moyen-Orients, au Maghreb, la fragilisation d'États jusque là suffisamment stables - par exemple le Maroc - : tous ces phénomènes durables sont les conséquences présentes de la confusion originelle entre politique et religion, actée au départ par l'administration Bush et ses alliés dans la guerre.

Au lieu de tirer les enseignements idoines de cet enchaînement tragique, au lieu de réaffirmer la laïcité des rapports diplomatiques et politiques à l'échelle de la planète - comme le fit Jacques Chirac -, Nicolas Sarkozy fait aujourd'hui l'inverse.

Quai_d_OrsayA afficher ostensiblement la prise en compte officielle, au plus haut niveau, à savoir au Quai-d'Orsay, des "religions", comme actrices autonomes des conflits en cours, Nicolas Sarkozy se fait donc, nolens volens, un triple héritier.

Digne héritier d'abord de la pensée contre-révolutionnaire française, cristallisée dans la formule du monarchiste Louis de Bonald :

"La Révolution qui a commencé par la Déclaration des droits de l'homme doit finir par la Déclaration des droits de Dieu."...

Digne héritier du britannique antirévolutionnaire Edmund Burke et, politiquement parlant, de Margaret Thatcher qui déclarait abruptement, invitée par François Mitterrand aux célébrations du bicentenaire de la Révolution française en 1989 :

"Les droits de l'homme n'ont pas commencé avec la Révolution française [...]. Ils trouvent leur origine dans le judaïsme et le christianisme".

Edmund_BurkeMargaret_Thatcher

Anachronisme touchant s'il n'eût été politiquement dangereux...

Digne héritier des administrateurs coloniaux, qui fragmentaient, par exemple en Algérie, la population non européenne en termes administratifs "confessionnels" : les "Musulmans", sans droits politiques, bien entendu, et les israélites ou "juifs", devenus citoyens français par le décret Crémieux dès 1870.

En outre suiviste passif de George W. Bush, - et ce dans bien des domaines -, à la tête d'une République constitutionnellement laïque, mais dramatiquement fragilisée. Laissant déclarer à son Premier ministre, François Fillon, alors que la France s'apprêtait à rejoindre le commandement intégré de l'OTAN, que la France est en guerre contre le monde musulman (sic)!

Et enfin, "enfant de la télé", comme il le dit : fils prodigue du déclin du politique propre à la post-modernité. Du déclin des principes républicains dont Lionel Jospin, à son corps défendant avait été l'un des acteurs-clefs sur les question de laïcité dans l'école de la République ou encore de l'unité de la République appliquée à la Corse.

 

 

DES ORIGINES DE LA CONFUSION ENTRE CULTURE, HISTOIRE, POLITIQUE ET RELIGION A LA POST-RELIGION

Que prendra donc en compte ce "pôle des religions" du Quai-d'Orsay, lorsque son patron, le "sociologue" M. Joseph Maïla, nous dit, dans Le Monde, que, "dans certains pays, faire de la politique, c'est parler religion, et inversement" (sic)?

Qu'en est-il de la définition de la religion dans la globalisation post-moderne?

Où finit la religion en tant que telle et où commence la "post-religion", celle qui s'accommode largement de la modernité et de ses crises, qui les instrumentalise et souhaite prendre le pas sur le politique?

Comment peut-on donner une légitimité politique internationale aux dites "religions", à part égale avec les États et communautés politiques, normalement soumises au droit international?

La connaissance de la Bible devrait-elle supplanter la connaissance de la Constitution italienne?

Article_de_la_Constitution_italienneLa_bible_catholique

Savoir que les citoyens israéliens de confession israélite les plus pratiquants ne prennent pas leur voiture durant le Shabbat serait-il aussi important sinon plus que connaître les Lois fondamentales de l'État d'Israël?

Cour_supr_me_d_Isra_l

Torah

Octroyer une légitimité politico-diplomatique à la notion, désormais floue, de religion, n'est-ce pas détruire en son fondement le principe de la laïcité, qui sépare précisément ces deux phénomènes humains, en vue de les mieux protéger l'un de l'autre?

N'est-ce pas de facto reconnaître les nouveaux mouvements pseudo-religieux, ou "post-religieux", qui ont en fait un projet politique, comme représentants légitimes des religions et, par extension abusive, des cultures et civilisations traditionnelles?

N'est-ce pas entériner l'idéologie extrêmement funeste - parce qu'immédiate, fondée sur les passions et les prétendues identités "existentielles" de populations entières - du "retour de la religion"?

Sera-ce donner quitus aux islamistes qui menacent la France parce que, selon eux, être musulmane signifie porter un voile à l'école publique et pouvoir porter la burqa, comme s'ils pouvaient représenter les musulmans dans leur ensemble et détenir à eux-seuls la "vérité coranique"?

Sera-ce tenter de justifier les attentats mortels homophobes des juifs extrémistes semant la terreur à Tel-Aviv?

 

 

 

Sera-ce croire que les rencontres entre rabbins et imams seront le ferment du règlement du conflit politique et national israélo-palestinien?

 

Sera-ce légitimer l'action des ultra-catholiques s'opposant à la création d'un pacte civil, notamment mais pas seulement -Christine Boutin brandissant la Bible à l'Assemblée nationale -, pour les personnes de même sexe en Italie? Prêts à en appeler à l'ingérence du pape...? N'est-ce pas fermer définitivement la porte aux laïcs de toutes origines, femmes ou hommes, luttant quitte à risquer la mort, pour un état civil non religieux, pour la reconnaissance de leurs droits, contre la Chari'a etc.? N'est-ce pas courir le risque de simplifier à l'extrême des sociétés complexes, tant historiquement que culturellement ou démographiquement?

 

 

Le problème ici en France, mais aussi ailleurs en Occident, est plus profond et ancien qu'on ne le subodore...

En vérité, tout cela n'est que l'aboutissement d'un long processus de déclin des principes républicains, pas seulement français mais potentiellement, pour qui en veut, universel. Déclin de la pensée politique, cela va sans dire.


L'échec du calendrier révolutionnaire et la sanctification des "religions historiques"

CHRISTIANISME

Calendrier_r_publicain

La confusion entre "confession" et civilisation date au moins des Lumières et de l'échec de la Révolution française à imposer le calendrier républicain, qui aurait définitivement rangé la religion hors de l'ordre politique et même historiciste, en ouvrant une nouvelle civilisation.

Qui aurait ouvert même une nouvelle "ère de l'Humanité", dans les termes de l'époque.

La reprise du calendrier grégorien sous Bonaparte ne pouvait que légitimer la religion catholique dominante, puis, par ricochet, le judaïsme, et enfin, par conjoncture, l'islam.

Calendrier_gr_gorien

Après l'échec de la Révolution anticléricale - parce que déraisonnablement croyante dans la raison, chez ses élites, et férocement antiseigneuriale, chez le peuple -, ce sera le temps du raccord napoléonien avec le passé de la France, puis, la Restauration.

Ce sera le temps aussi de l'entrée dans l'Histoire des religions, "science" triomphante du XIXe siècle.

S'agissant du christianisme, c'est peut-être Chateaubriand qui va, en 1802, illustrer avec merveille l'historicisation G_nie_du_christianisme_de_Chateaubriandjustificatrice de la religion dominante dans son Génie du christianisme.

Ce n'est plus tant son message, son contenu, sa doxa, dont la seule lecture des Évangiles, voire de la théologie, suffit à nous donner idée, que son passé, sa nostalgie - alors qu'une de ses vertus théologales est l'espérance -, sa présence dans le patrimoine, dans le monde et dans le "cœur" de l'auteur romantique qui comptent.

Pierre Reboul, dans sa préface à cette œuvre majeure, nous  éclaire avec bonheur sur le contexte de l'apparition du Génie du christianisme

Parlant de Chateaubriand, Reboul de pointer sa modernité, son inscription dans l'évolution de l'histoire, loin du Dieu révélé : "son Dieu n'est pas mathématicien, mais docteur ès sciences de l'histoire. Malgré son néo-classicisme, il se pense, profondément, comme un moderne. Il a, ainsi que Voltaire, le sens du progrès."

Chateaubriand

Il s'agit donc de positionner le christianisme sur la flèche de l'Histoire en marche, grâce au calendrier grégorien, pour à la fois en montrer son antiquité et sa "modernité", dans un jeu de dialectique typiquement moderne, qui n'a d'ailleurs plus rien à voir avec la religion en tant que telle.

Aussi, passionnante est l'analyse de Reboul sur la vision utilitaire de la "religion" - alors que dans les Évangiles et même dans l'Ancien Testament, elle est source de révolte contre les ordres sociaux établis !

"Malgré le sérieux attentif de l'auteur, ce jeu de propagande, écrit Reboul, souffre du défaut qui entache presque toutes les propagandes : une adaptation consciente à l'état du marché, aux désirs supposés de la clientèle, comporte des erreurs et, à terme, des ridicules."

Avant Marx et la fameuse expression "opium du peuple", "Chateaubriand met en lumière l'utilité sociale et politique de l'Église", nous dit Reboul.  "Dans la société, la morale joue le même rôle que jouent ailleurs le goût et la foi."

Ainsi, dès le XIXe siècle, l'antique religion chrétienne ou catholique change de nature et de statut. Elle prétend contre les Républicains s'inscrire dans l'histoire nationale, la porter voire même la transcender, symboliser le "progrès".

La religion devient un acteur de l'histoire en soi, autonome, un sujet d'étude isolé de tout le contexte politique qui l'avait toujours accompagné et conditionné - comment comprendre les Croisades sans l'établissement de la Paix et de la Trêve de Dieu dans le royaume de France et le désœuvrement des chevaliers qui s'ensuivit? ; comme si l'on ne prenait pas en compte la collusion du clergé avec les seigneurs, leur domination fiscale dans bien des "pays" de France pour comprendre la fureur de la Terreur contre le clergé durant la seconde phase de la Révolution etc.

Sans le savoir, Chateaubriand ouvrait la voie à "l'histoire des religions" comme spécialité, laquelle hélas, aboutit à terme à l'isolement du phénomène religieux de son contexte politique.

De même, comme l'écrit Reboul, à ce que nous qualifierons de confusion avec l'histoire et la culture, une confusion avec la morale s'instaurera chez Chateaubriand.

Si l'histoire politique et, rappelons-le, nationaliste, domina finalement avec la IIIe République et forma les citoyens français d'alors, la fragmentation ultérieure des savoirs avait déjà un "trésor de guerre" inestimable avec des œuvres telle que le Génie du christianisme -plus tard avec Tocqueville.

Les problèmes politiques de l'antirépublicanisme, de l'antisémitisme français et de la longue contestation de la République  comme régime de la France se nourrirent en fait de cette historicisation du christianisme.

Christine Boutin, ancienne ministre nommée par Nicolas Sarkozy, est d'ailleurs la lointaine et contemporaine héritière de ces "chrétiens-politiques", représentante d'une droite ultra qui confond politique, morale, justice et religion. 

 

Les tenants européens d'une mention dans une Constitution politique européenne de ses "racines chrétiennes" ou "judéo-chrétiennes" s'appuient aussi sur une histoire parcellaire de l'Europe politique, comme l'a fait Nicolas Sarkozy à propos de la "France chrétienne".

Et le risque, aujourd'hui, c'est qu'un "pôle des religions" ne se penche justement que sur le "religieux", sans en définir clairement les limites, la définition etc., comme sur un phénomène autonome, requérant un savoir particulier pour l'appréhender et le comprendre.

Avec ce danger de plus, pour les diplomates qui y seront formés, de ne plus replacer en son contexte politique, épocal et mondain les phénomènes dits "religieux" sur lesquels ils devront tabler. Donner du "sur-sens idéologique" au prisme du religieux, au lieu d'aider la diplomatie française, pourrait bien lui ciller les yeux...

D'ailleurs, ce phénomène d'autonomisation, d'isolement de l'élément religieux ne concerne absolument pas seulement le christianisme ou le catholicisme.

Ainsi Hannah Arendt analysa le phénomène d'historicisation de la "religion d'Israël" par les tenants des Lumières allemandes notamment par Herder, avec tous les risques que cela entraîna pour les juifs d'Allemagne.

Hannah_ArendtHerder

 

 

JUDAÏSME

La_tradition_cach_e_de_Hannah_ArendtNous l'avons vu, le XIXe siècle a été le siècle de la "science de l'histoire" en Europe. En Allemagne, le "philosophe de l'histoire" par excellence fut Herder.

Et sur la question du judaïsme, bien loin de la conception révolutionnaire française qui en faisait une confession non politique, mais d'ordre privée, Herder, en voulant "généreusement" intégrer l'histoire du "peuple juif" à l'histoire de l'"Humanité", assigna les juifs d'Allemagne à une résidence identitaire historique étrangère à leur propre pays, : l'Allemagne précisément. Avant d'être des Allemands, ceux-ci seraient des juifs.

Ainsi, nous dit Hannah Arendt, dans un article de 1932, "L'"Auflklärung" et la question juive", "Herder comprend l'histoire des Juifs comme eux-mêmes l'interprétaient, c'est-à-dire comme l'histoire du peuple élu."

De ce fait, il s'agissait de "montrer la spécificité de l'attitude juive à l'égard de l'existence qui fait d'eux un peuple attaché à son passé et soucieux de maintenir ce passé dans le présent", de réifier cette spécificité et d'en faire un élément essentiel de leur identité, incontournable ; religieuse, culturelle mais étrange pour la pensée républicaine française : politique et nationale.

Pour lui, en Allemagne, malgré la Diaspora, malgré l'acculturation, après des siècles, des juifs allemands, malgré l'assimilation qui commence à être conceptualisée, ""la religion juive est [...] une religion de la Palestine, et la fidélité à cette confession implique, à proprement parler, qu'on reste le peuple de la Palestine", donc, en Europe, un peuple d'origine asiatique, étranger à notre monde"".

Ce qui faisait que certains Allemands "cultivés", et même dits "philosémites", allaient voire dans leurs "voisins de toujours" des asiatiques, membres d'un peuple dont Herder avait mis "l'accent sur son caractère étranger."

De l'histoire au XIXe siècle, on excipait comme on le fit des sciences sociales au XXe, pour tirer des conclusions politiques.

Ainsi, poursuit Arendt, "l'assimilation pose la question de l'émancipation et devient donc un problème politique qui engage l'État. [...] Herder prend au sérieux la fidélité à la "religion des pères" [et] voit en elle le signe de l'unité nationale juive; la religion étrangère devient la religion d'une autre nation".

Alors qu'en France la doctrine républicaine posée par Clermont-Tonnerre à l'égard des "israélites" - mot typiquement français pour signifier que l'appartenance au peuple "juif" est d'ordre confessionnel et est compatible avec l'appartenance politique et citoyenne au peuple français, posait exactement l'inverse :

"Il faut tout refuser aux juifs comme "nation", et tout accorder aux juifs comme individus".

L'émancipation juridique des juifs de France devait donc se faire individuellement, considérant chacun comme un citoyen.

Alors que, selon Arendt, "il s'agit pour l'Allemagne d'intégrer une autre nation [...] de rendre productif ce parasitisme de la nation juive", en France, il s'agit d'intégrer des individus - à l'époque des hommes de sexe masculin - égaux aux autres qu'ils fussent athées, chrétiens, protestants ou catholiques.

En effet, la doctrine républicaine plus tard formulée dans Qu'est-ce qu'une nation? par Ernest Renan, était déjà inscrite dans les principes promus par la Révolution, s'agissant de la question "religieuse" :

"Le Français n'est ni un Gaulois, ni un Franc, ni un Burgonde.

Il est ce qui est sorti de la grande chaudière où, sous la présidence

du roi de France, ont fermenté les éléments les plus divers."

Ce qui, évidemment, est aujourd'hui condamné par la pensée post-moderne comme une atteinte aux "identités" Qu_est_ce_qu_une_nation_de_Ernest_Renanparticulières ne peut être pourtant réduit à une idéologie mais devrait être pris comme une vision de la communauté politique applicable à tous les pays.

Pensons à Israël où la diversité de la population se manifeste avec violence mortelle aujourd'hui parce qu'elle demeure dépourvue de socle commun ; pensons à l'Irak et aux pays maghrébins ou proche et moyen-orientaux où la diversité religieuse, au lieu d'être attisée comme elle l'a été par l'administration Bush, aurait dû être reléguée après le plan d'une nouvelle unité nationale irakienne.

Pensons à la France contemporaine où nos concitoyens d'origine maghrébine ou originaires d'Afrique subsaharienne ont trop souvent et sont aujourd'hui plus que jamais par Nicolas Sarkozy, ramenés à leur supposée confession musulmane - rappelons-nous du vantard ministre de l'Intérieur, expliquant qu'il était fier d'avoir nommé un "préfet musulman" (sic)...

Comme l'écrivait Hannah Arendt à propos des juifs allemands : "dans quelle mesure une telle assimilation est possible si l'on conserve la loi juive, voilà qui pose un problème politique ; jusqu'à quel point cette assimilation est tout simplement possible [?]".

En fait, Herder avait commis une grave erreur, transformant le problème social de l'émancipation des Juifs allemands en un problème politique d'intégration d'une introuvable "nation juive"... Le mal était fait...

Cette problématique, pourtant ancienne, l'impasse de la reconnaissance de communautés pseudo-religieuses sanctifiées par une histoire spécifique étrangère au pays où elles demeurent et où leurs membres doivent devenir des citoyens égaux, au lieu d'être enfin résolue, a été attisée de nouveau avec la pensée post-moderne.

L'historicisation des religions leur avait pourtant déjà donné une légitimité à valeur ajoutée nocive jusqu'à nos jours : les débats stériles mais hautement dangereux sur les "racines chrétiennes" ou "judéo-chrétiennes" de l'Europe politique en sont issus.

Mais rien n'est réglé, l'échec prétendu de la modernité laïque, individualiste et universaliste à la fois, politique  et citoyenne étant sanctifié par l'idéologie postmoderniste.

Après avoir été fallacieusement considérées comme des phénomènes historiques ayant leur propre autonomie, les "religions" nous reviennent comme des phénomènes individualistes et identitaires essentialisés, naturalisés.

La "modernité" laïque attaquée par le capitalisme post-fordiste, la post-modernité : de l'usine à l'université

Nous avons vu que le renoncement de Bonaparte au calendrier républicain avait été à la source de l'historicisation de la religion et donc de sa sanctification sociale.

Le culte de la raison suivi par la froide révolution industrielle donnait au "sentiment communautaire religieux" un parfum de nostalgie, un supplément d'âme.

Et cela dura jusqu'à très récemment - quand les bigots ou chaisières de la bourgeoisie la plus rapace allaient rampant devant le prêtre sans comprendre une ligne des Évangiles...

Des groupes politiques instrumentalisant la religion allaient du reste durablement contester l'intégration citoyenne à une République laïque, en cultivant le mythe d'une monarchie chrétienne.

Aujourd'hui, ce sont certainement les évolutions techniques et matérielles qui expliquent le recours individualiste et identitaire aux dites "religions".

La révolution post-fordiste du capitalisme, qui a mis le consommateur isolé au centre de son système, l'exploite mais aussi le flatte, a touché le monde universitaire. Et, hélas, à terme la pensée politique. Le délitement de l'État-Providence a fait le reste...

Évidemment, les "philosophes de profession" se refusent souvent à découvrir qu'ils sont eux-mêmes conditionnés par ce monde de l'individu et du narcissisme, et que l'histoire des idées n'est pas située dans le Ciel platonicien des idées, dans une histoire automatique, naturelle, qu'ils seraient les seuls à pouvoir comprendre. Ils ont du mal à accepter le fait qu'ils ne sont pas des esprits purs...

La post-modernité, telle que nous la décrirons avec des penseurs comme Schlegel, Friling ou encore Roy, est pourtant bien la fille d'une société économiquement - donc totalement - de plus en plus atomisée, où l'individu prime sur les collectifs en tout genre, où sa "liberté" est bien plus importante que toutes les lois ou règlements communs.

Pour aller vite, la fin de l'équipe au travail et l'individualisation de la tâche comme de sa rémunération - dans par exemple le domaine du télémarketing, avec Nicolas Sarkozy, dans la fonction publique elle-même -, illustrent à merveille ce changement de condition de l'homme et son entrée dans ce que Lyotard a appelé "la condition postmoderne".

Cela donne, "philosophiquement parlant", comme le résume très bien Schlegel dans La loi de Dieu contre la liberté des hommes, une nouvelle époque où "désormais comptent, et compteront de plus en plus, la réalisation de soi, l'épanouissement et la réussite personnels, les valeurs hédonistes, le principe de plaisir, les comportements non imposés".

La propagande publicitaire forgeant insidieusement la nouvelle mentalité de l'homme - et ce dès la prime enfance - de la société de masse de consom-munication... Dont les origines sont plus anciennes qu'on ne le pense !

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Comme il le rappelle, "dans "l'ère du narcissisme" [...], on fait droit au désir des individus : les lois et les règlements existent toujours, certes, mais souvent ils "permettent" plus qu'ils ne commandent."

En outre, alors que la chute du mur de Berlin - congruant avec la révolution post-fordiste du capitalisme - marquait soi-disant la "fin des idéologies", celle-ci annonçait en réalitéChute_du_mur_de_Berlin_en_1989 l'entrée dans cette post-modernité narcissique et identitaire qui "semble emporter l'idéal démocratique lui-même [où] les "petits récits" individuels, ceux des petits bonheurs possibles pour chacun, remplacent les grands récits d'autrefois, qui racontaient une aventure collective pour l'humanité : les grands récits chrétien, marxiste, républicain...".

Le problème est que de la postmodernité, époque donnée, nous sommes vite passés au postmodernisme idéologique porté par des penseurs de combat, pensant que s'adonner à la déconstruction de tous les récits collectifs et communs antérieurs serait faire preuve de vérité.

Ces penseurs, dont l'œuvre peut être parfois brillante, n'ont en fait par la suite qu'appliquer la nouvelle logique à tous les domaines de la pensée - de l'histoire à la sociologie - puis à la réalité sociale et politique - de l'universel juridique à l'intégration républicaine ou aux classes sociales.

Critique_du_post_sionisme_sous_la_direction_de_Tuvia_FrilingComme le rappelle Tuvia Friling, dans sa préface à Critique du post-sionisme, Réponse aux "nouveaux historiens israéliens", "ces idées sont pour la plupart nées en Europe, puis elles ont été importées aux États-Unis."

De citer Michel Foucault, Jacques Derrida, Jean-François Lyotard, Éric Hobsbawn.

Pour Friling, leurs "conceptions ont en commun une sorte de révolte contre les idéologies d'ensemble, contre les exigences de détenteurs de telles conceptions d'expliquer tout ce qui se passe dans le monde, selon un seul système, une critique de la religion et du nationalisme, du socialisme et des autres grandes idéologies, de l'historiographie et en fait de tout "supra-narratif" - de tout "méta-narratif" - ou ensemble de principes ou de points de vue fait d'un assemblage de détails leur imposant sa signification."

Et de conclure lapidairement :"c'est une sorte d'anarchisme spirituel, brouillant la limite entre l'imaginaire et le réel, entre l'impression et la réalité, qui tend à supprimer tous les critères, qui singularise des phénomènes dans leur particularité, qui insiste sur leur caractère individuel, qui exalte et glorifie le relativisme - et parfois le relativisme barbare - et reconnaît l'indépendance de faits isolés, non soumis à un système de lois."

Croire, si tel est le cas de Joseph Maïla, responsable du "pôle religions" du Quai-d'Orsay, que cet état de chose réel et intellectuel n'a pas affecté la "religion", trop délaissée selon lui dans la formation de nos diplomates, ne pas mesurer comment la "post-religion" prétend remplacer les religions traditionnelles et faire de la politique : tout cela serait un contre-sens historique pitoyable et nocif.

Les post-religieux prétendent octroyer aux individus une identité confessionnelle soi-disant authentique, totale et englobante, surpassant tout autre critère, notamment la citoyenneté... Réponse aporétique au problème de la monotonie, de l'impersonnalité et de l'uniformité propres à la société post-moderne.

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Les tenants de la "post-religion", qu'ils soient juifs, chrétiens ou musulmans ne sont pas des "religieux traditionnels".

Ils combattent la religion traditionnelle et sont précisément les acteurs en cause dans bien des conflits politiques contemporains : en Italie, au Maghreb et au Machrek, en Inde ou au Pakistan, en Israël particulièrement.

Un "pôle laïcité" serait bien plus heureux de nos jours, faisant justement la différence entre ces post-religieux que sont les fauteurs de troubles géopolitiques d'une part, les religieux traditionnels et les milieux politiques qui sont aujourd'hui en danger d'autre part...

Un tel distinguo aiderait les diplomates à ne pas réitérer l'erreur de l'administration Bush et à ne pas sanctifier les extrémistes religieux, qui sont en fait des politiciens ou des militaires, comme les hérauts légitimes de leur religion d'origine...

Les trois monothéismes, sans évoquer le "revivalisme hindoue" ou d'autres mouvements, ont en effet produit leurs "post-religieux" dans le cadre plus large de la post-modernité et du post-modernisme. C'est ce que de nombreuses études confirment.

La post-religion identitaire comme planche de salut au nihilisme de la postmodernité

L'OFFENSIVE DES "POST-CHRÉTIENS" POUR UNE DÉFINITION CHRÉTIENNE DE L'EUROPE POLITIQUE OU UN MESSIANISME ÉTATS-UNIEN

Après l'effondrement des mythes fondateurs laïcs qu'ils avaient combattus, avec l'aide "objective" des penseurs  postmodernistes même les plus antireligieux, les intégristes chrétiens, notamment en terre protestante, et catholiques en pays de tradition latine, n'hésitent plus désormais à s'immiscer comme jamais dans le politique.

Que l'on songe au rôle des évangélistes messianiques au sein des administrations états-uniennes, ou tout simplement parmi leurs soutiens populaires, ou à celui des députés européens luttant de concert avec la papauté pour inscrire dans la Constitution de l'Europe politique "ses racines judéo-chrétiennes"les post-religieux chrétiens ont repris du poil de la bête.

POST-CATHOLIQUES

Rappel historique de Schlegel, "les intégristes catholiques sont fils et filles de la Révolution française, ou plutôt de la réaction catholique qui s'ensuit au XIXe siècle, en France et en Europe [, ils] portent la mémoire d'un traumatisme : celui de l'Église persécutée".

Au XIXe siècle, ils fustigèrent parallèlement le "positivisme" républicain d'un Auguste Comte puis vomirent, le pape en tête, le matérialisme marxiste.

Ils promurent la pratique religieuse au rang de garante de l'ordre moral et social, voire d'un supplément d'âme à la société industrielle.

Mais l'Église catholique et même la papauté renoncèrent au pouvoir politique, respectant en cela la doctrine de Jésus de Nazareth selon Mathieu :

"Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu".

Si l'Église catholique rallia la République en 1890, les post-catholiques politiciens demeurèrent actifs. C'est ainsi que l'action de Monseigneur Lefebvre en France s'inscrivit contre le pape Jean-Paul II, avec tout un mouvement intégriste dans les années 1970-1988.

C'est ainsi que des groupuscules politiciens, auxquels participent des membres de la droite sarkozyste, en contravention avec le clergé catholique français, se mirent dans les années 1970 et 80, à lutter contre les réformes de la République sur l'autorisation de l'avortement ou la légalisation de l'homosexualité - ainsi des commandos "anti-IVG" en France, essayant manu militari d'entraver les interromptions volontaires de grossesse.

 

Beno_t_XVI

Ce qui paraît aujourd'hui inquiétant, c'est le changement idéologique opéré par la papauté avec l'avènement de Benoît XVI à sa tête, comme si leurs idées avaient métastasé.

En effet, cet intellectuel, au motif d'une lutte - par ailleurs fondée - contre le relativisme et la confusion des "valeurs" dans la société postmoderne, a ouvert divers champs qui paraissent bien plus relever du post-religieux politique que de la religion traditionnelle.

D'une part, lors des 50 ans du Traité de Rome, en 2007, le pape a ouvertement déclaré que le but du Vatican était la reconstitution de l'Europe chrétienne - laquelle comme théocratie, n'a jamais existé, les pouvoirs politiques étant régulièrement en lutte avec les religieux -, insistant à nouveau pour une mention des "racines chrétiennes" de l'Europe dans une future Constitution politique.

Trait___tablissant_une_Constitution_pour_l_Europe

Benoît XVI, de poser, à Rome, le 27 septembre de cette année, "que l'on ne peut pas penser édifier une authentique "maison commune" européenne en négligeant l'identité propre [sic!] des peuples de notre continent [laquelle, poursuivait-il, est] historique, culturelle et morale avant même d'être géographique, économique ou politique"...

Ce qui sociologiquement est un mensonge tant l'Europe est peuplée de gens sans foi ni loi, d'immoraux - à savoir des êtres humains -, sans parler des individus qui sont tout sauf catholiques, des athées aux nouveaux bouddhistes en passant par les nombreux musulmans et protestants...

En tant que pape, il réaffirmait alors pour lui la "vérité absolue" du message catholique, combattant ainsi les syncrétismes et autres relativismes.

Le problème est qu'en tant que "pape politique", il délivrait aussi un message "post-chrétien" - contraire à l'esprit de la doctrine de Jésus de Nazareth sur la neutralité de César et de Dieu l'un par rapport à l'autre -, en exhortant ainsi les fidèles :

"Vous avez le devoir de contribuer à édifier, avec l'aide de Dieu, une nouvelle Europe [...] inspirée par la vérité éternelle et vivifiante de l'Évangile.

[...]

"Soyez présents de façon active dans le débat public européen".

Message plus qu'entendu par l'ancien maire de Neuilly-sur-Seine et dernier Président français, Nicolas Sarkozy, qui crachera au visage du passé républicain de la France, notamment via les instituteurs... 

 

D'autre part, la réintégration des mouvements catholiques intégristes, dont nous avons fait mention plus haut, émeuvant une part du haut clergé de France, est politiquement inquiétante.

A mille lieues du message de Jésus de Nazareth, ces mouvements s'inscrivent trop souvent dans des mouvances plus larges allant des antijudaïques chrétiens, de l'extrême-droite française aux vestiges des monarchistes antirépublicains.

Bien au-delà de la question de la messe en latin, qui pourrait être l'objet d'un vrai débat - d'autant plus que le latin est une langue païenne -, celle qui nous préoccupe est celle de la légitimation de "politiciens de la religion", donc de post-religieux qui remettent en cause les principes fondamentaux de la démocratie et, en France, de la République - égalité des sexes, dépénalisation de l'homosexualité, non-discrimination en fonction de la religion, principe de laïcité, dépénalisation de l'avortement etc.


Enfin, Benoît XVI aura su, mais à la suite de ses prédécesseurs, ridiculiser la démocratie et la République italiennes, avec l'alliance des chrétiens politiques de gauche comme de droite, et prouver encore une fois que l'Italie n'est pas un État-nation libre.

En intervenant solennellement contre l'adoption d'un pacte d'union civile différent du mariage et ouvert à deux personnes de même sexe - le DICO -, en attisant l'homophobie maladive d'une partie de la population italienne, Benoît XVI se sera pleinement inscrit dans l'action post-religieuse, celle qui croit naïvement à une prétendue "restauration des valeurs", en agissant directement dans les débats séculiers ou grâce à de puissants lobbys actifs au cœur des différents pouvoirs - législatif en premier lieu.

Alors que le président de la République française, Nicolas Sarkozy, était allé encore plus loin dans la réfutation de notre laïcité que le pape lui-même, dans son discours de Latran, violant la Constitution en terre étrangère, la diplomatie devrait-elle aujourd'hui comprendre l'Europe à travers le prisme de l'histoire chrétienne, qui, isolée de son contexte politique, nous fait oublier que les origines de l'Europe politique, démocratique ou républicaine ne sont pas "religieuses" mais bien plus complexes, allant des écrits gréco-latins, de l'héritage de la démocratie grecque, aux notions romaines de droit, de loi, de "public" et de "peuple" etc.?

Quel sera le rôle "pédagogique" du "pôle religions" au Quai-d'Orsay? Apportera-t-il de l'eau au moulin des post-catholiques de droite - parfois de gauche comme en Italie - qui réfutent le caractère séculier de la politique, pourtant compris par Jésus de Nazareth lui-même?

Plus grave encore, parce qu'il s'agit - pour combien de temps encore? - de la 1ère puissance mondiale et du "leader occidental" - l'impuissance de l'Europe étant acquise -, le fondamentalisme protestant prétend non pas remplacer le politique mais le guider, tant à l'intérieur des États-Unis que s'agissant de politique étrangère.

POST-PROTESTANTS

La religion civile est un élément crucial du patriotisme états-unien.

La croyance en Dieu et en sa suprématie innerve tous les pans de la société, à commencer par la Déclaration d'indépendance de 1776.

Celle-ci demeure neutre face aux autres religions, "ethnies" ou cultures diverses, malgré ses origines clairement protestantes et puritaines. Elle est donc "tolérante" dès l'origine et laisse au politique son autonomie, dans le respect d'un patriotisme transcendant, enté dans la volonté de Dieu. On soulignera tout de même au passage la difficulté d'être athée dans de telles conditions englobantes !

Mais depuis plusieurs décennies, contre cette "religion civile", contre le relativisme ambiant, la perte post-moderne des autorités traditionnelles ou des dites "valeurs morales", les néo-convertis et autres re-born luttent d'une part pour un pouvoir politique plus ou moins étendu, d'autre part contre les églises traditionnelles qui refusent d'être instrumentalisées politiquement.

Il y a d'abord une influence publique et politique délibérée, intéressée et organisée qui tranche radicalement avec l'antipolitisme chrétien et protestant.

Cette influence est allée grandissante et ne découle pas forcément des origines de la fondation des États-Unis - "In God we trust" sur le dollar ne daterait que de 1850 environ ; "One Nation under God" dans le serment au drapeau de seulement 1954 ! etc.

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Mais plus récemment, dans une veine typiquement postmoderniste, les post-protestants états-uniens, composés de fondamentalistes, de nouveaux convertis et d'autres, se sont révélé, comme l'écrit Schlegel, "être très nombreux, assez pour constituer, avec des alliés divers, une "majorité morale" à certains moments et dans certains pays - je fais ici allusion en particulier au rôle qu'ils ont joué aux États-Unis dans l'élection de présidents conservateurs comme Ronald Reagan, en 1980, ou celle des Bush, père et fils, en 1988 et 2000."

L'élection présidentielle, du moins pour les républicains - la droite -, est donc devenue l'otage de cette "majorité morale" qui ne soutiendra un candidat qu'à condition que celui-ci promeuve son "programme de réarmement moral", résumé ainsi par Schlegel, Frachon et Vernet :

  • abolition de l'autorisation légale de l'avortement
  • lutte contre l'émancipation des femmes
  • lutte contre les "manifestations publiques et les droits des homosexuels"
  • promotion de la prière protestante ou chrétienne à l'école
  • lutte pour la peine de mort dans tous les États
  • rétablissement des interdits de l'adultère, du divorce etc
  • promotion de la famille "traditionnelle" et nombreuse
  • combat contre la pornographie, l'érotisme et la vulgarité
  • réfutation du relativisme culturel et moral.

Mesures ou ambitions auxquelles nous pourrions ajouter le droit à l'autodéfense et au port des armes ainsi que, pour certains, la remise en cause de l'évolutionnisme, et la volonté de le remplacer par le Créationnisme : "nous ne descendons pas des dinosaures mais de Adam et de Ève".

Des exigences de législation sur l'enseignement, la morale ou l'histoire, on passe évidemment par le tamis de la politique.

Ainsi, nous rappelle Schlegel, citant Willlaime, "leur conception de la vie publique et politique n'est pas sans analogie avec celle des musulmans fondamentalistes [ : ] il s'agit à chaque fois de discours de certitudes prétendant agir au nom même des fondements divins de la vie individuelle et collective. On y observe une forte moralisation, avec la tendance à croire que la politique sera bonne si ce sont de bons croyants qui la font. [...] Ils peuvent permettre à des gens de prendre le pouvoir, mais auront beaucoup plus de mal à l'exercer. En réalité, ce sont des mouvements dominés intellectuellement et politiquement"."

Lors de la guerre en Irak, que nous avons mentionnée au début de ce billet, le rôle politique des néo-conservateurs - héritiers notamment de Léo Strauss -, est apparu brutalement à la face du monde, par l'intermédiaire des discours messianistes de George W. Bush.

Et ce dernier Président fut élu, selon Frachon et Vernet, dans L'Amérique messianique, Les guerres des L_Am_rique_messianique__Les_guerres_des_n_o_conservateurs_de_Alain_Frachon_et_Daniel_Vernetnéo-conservateurs, parce que "l'alliance avec les fondamentalistes chrétiens est la plus solide que les néoconservateurs aient pu former".

Parce que "les fondamentalistes ont des troupes ; ils représentent, selon les estimations, entre 10 et 20 millions d'électeurs acquis aux républicains".

A tel point que "l'historienne Gertrude Himmelfarb, femme d'Irving Kristol, parle de l'"autre nation" - par opposition à l'Amérique libérale -, qui va de la droite chrétienne à des individus sans affiliation religieuse particulière mais aux convictions morales traditionnelles fortes".

Et enfin parce que "43% des Américains se disent born-again Christians, dont un tiers s'identifie à la droite religieuse", laquelle, si elle participe au processus électoral, ne votera jamais pour des candidats démocrates - à la différence de nombreux protestants qui voteront tranquillement pour la "gauche".

Sans revenir sur la guerre en Irak, rappelons simplement avec Frachon et Vernet toujours, que pour une part des post-protestants états-uniens, qui pensent que les Écritures doivent non pas être interprétées mais politiquement réalisées, "Israël est la Terre sainte, celle du Messie qui reviendra le jour où les juifs auront définitivement conquis la Cisjordanie, qu'il appellent encore la Judée et la Samarie", d'où un soutien politique inconditionnel à tous les gouvernements de la droite israélienne, fallacieusement identifiée à l'ensemble du peuple israélien, lui-même compris comme le peuple juif...

Narratif apocalyptique pour toutes les parties en cause : le Messie arrivant, les juifs disparaîtront, les Palestiniens avec eux etc.

Joseph Maïla de dire récemment sur France Culture que pour comprendre la guerre d'Irak, il eût fallu à l'époque comprendre les motivations "religieuses" (sic) des néoconservateurs? Comme si la diplomatie française ne les avait pas étudiées?

Comme si elle avait eu tort de ramener dans le domaine politique et strictement politique une guerre internationale qui l'était puis une guerre civile irakienne qui, sous des motifs pseudo-religieux, était d'abord liée à la destruction de l'Etat-nation irakien...

Encore une fois, ce serait entériner une vision fausse des événements et, contrairement à ce que prétend M. Maïla, loin de constituer un atout dans la "résolution des conflits identitaires", la dépolitisation de ceux-ci ne pourrait qu'entraîner un aveuglement coupable.

La caricature la plus extrême, qui est en passe de gagner les masses en Europe et ailleurs, de la traduction en termes néo-religieux d'un conflit politico-national est celle évidemment du conflit israélo-palestinien.

LE POST-SIONISME RELIGIEUX FONDAMENTALISTE EN GUERRE CONTRE LE SIONISME LAÏC DES ORIGINES D'ISRAËL

Qui sont les plus grands ennemis du mal-nommé "processus de paix" entre Israël et Autorité palestinienne, futur État palestinien?

Les "religieux"?

Les rabbins qui auraient fondé l'État d'Israël pour des motifs précisément religieux : le retour à la Terre promise, "l'an prochain à Jérusalem", "le peuple élu" - donc supérieur aux Palestiniens?

Les colons nationaux-religieux qui continuent à coloniser des terres palestiniennes pour saper toute possibilité de création de l'État palestinien sont-ils les représentants du judaïsme, qui équivaudrait au sionisme?

Tout cela est faux.

Et aborder ces acteurs du conflit sous un angle "religieux" serait une erreur de plus au niveau diplomatique. A terme, ce serait même leur donner raison.

Ces leaders d'opinion, ces rabbins qui font de la politique, ces ultrareligieux autoproclamés qui agissent contre la paix sont en fait les déchets de la remise en cause postmoderne du sionisme.

Comme le rappelle Friling, le sionisme est avant tout un nationalisme ayant certes laïcisé des principes bibliques mais constituant avant tout, comme l'écrivit Hannah Arendt, la "seule réponse politique à l'antisémitisme", après l'échec des émancipations en Europe, avant même l'extermination des Juifs d'Europe pendant la Seconde guerre mondiale.

Contrairement à ce que prétendent les post-religieux juifs, contrairement aux affirmations antisionistes dans le monde entier, Israël n'a pas été fondé pour des raisons religieuses par des religieux, mais pour des raisons politiques par des laïcs, majoritairement socialistes de surcroît !

"Les idéaux sociaux de la tradition biblique ainsi que les valeurs universelles que le peuple juif avait apportées à l'humanité [..] qui s'accordaient aux idées socialistes ou même utopiques d'une société basée sur des principes de droit et d'égalité, furent, nous dit Friling, mobilisés, intégrés et coulés dans des moules laïcs - afin de former une base idéologique pour cette nouvelle réalisation - dans une forme de conscience nouvelle, devant à l'avenir, du moins on l'espérait, établir une "société nouvelle".

Affiche_sioniste_travailliste Le_paysan_sioniste

Ce qui apporte une nuance de taille à tous ceux qui voient dans le problème israélo-palestinien un problème géopolitique identitaire "religieux".

Et, en Israël, c'est bien évidemment le renoncement au programme socialiste sioniste, symbolisé par le déclin du kibboutz, l'ultralibéralisme rampant, avec tous ses dégâts sociaux, qui a favorisé, autant que l'émigration ou l'échec de l'intégration de l'émigration nord-africaine, l'installation d'un discours post-moderne remettant en cause la mémoire collective laïque sioniste.

"Le développement d'écoles postmodernes en philosophie, en littérature, en art et également de la recherche en sciences Critique_du_post_sionisme_sous_la_direction_de_Tuvia_Frilinghumaines et sociales, a grandement influencé, estime donc Friling, les observations, les analyses et les évaluations des conceptions post-sionistes sur la révolution sioniste."

"Quand la mémoire collective - et surtout le tissu de principes lui donnant sa signification - est mis en question ou se fracasse en mille éclats, l'identité elle aussi se fend ou s'effrite et réciproquement."

C'est ainsi qu'à l'individualisation libérale de la société israélienne a correspondu à terme la remise en cause théorique et intellectualisée de la mémoire collective sioniste et in fine la fragmentation de la nation israélienne.

A force d'avoir voulu détruire le consensus mémoriel de la société israélienne, jusqu'à la remise en cause de la légitimité de sa fondation, les post-sionistes postmodernes ont laissé libre cours à l'imposition des mythes néo-religieux, post-religieux, notamment d'extrême-droite, remettant en cause le caractère démocratique de l'État d'Israël, confondant la Terre du Grand Israël avec les limites de l'État d'Israël, découlant de sa fondation politique.

Qu'ils soient de gauche ou de droite, le résultat est le même : "l'attitude des post-sionistes [...] tente en vain [...] de nous cacher les caractéristiques les plus fondamentales du conflit, soit la lutte tragique de deux mouvements nationaux pour leurs droits à l'autodétermination, à l'indépendance et à la souveraineté politique."

Et "après le déclin et l'effondrement du mouvement travailliste, "la seule idée sioniste restant encore vivace" se trouvait dans les rangs du sionisme religieux [...]."

Les post-sionistes de gauche ayant fait le lit de ceux qu'ils déclarent être leurs plus grands ennemis : les post-religieux post-sionistes qui dénaturent aujourd'hui le judaïsme au nom d'un néo-nationalisme identitaire chauviniste voire raciste.

En réalité, pour Friling, comme en France les antirépublicains de gauche - libéraux-libertaires, communautaristes ou "antitotalitaires" - ont fait le lit de la droite antirépublicaine légitimée par Nicolas Sarkozy, "il existe aussi un post-sionisme nationaliste de droite [...] qui se rapproche de l'essence du post-sionisme de gauche."

Et même si Friling met cette analyse dans la bouche de la gauche post-sioniste, elle n'en demeure pas moins vraie, "le post-sionisme a laissé croître "les racines idéologiques du courant religieux de droite [se référant] à une certaine sorte de "nouveau conservatisme" qui s'est développé dans les cercles de la droite juive (et non-juive) aux États-Unis qui, prétendent ses dénigreurs (et ils ont raison), fonde son sionisme sur un cléricalisme (la domination de la religion sur la vie publique), sur un repliement sur soi et sur une aversion des étrangers."

Bref, comprendre pourquoi la colonisation par des fanatiques de terres palestiniennes prolonge aujourd'hui le conflit israélo-palestinien, c'est aussi comprendre que la société israélienne n'a plus de consensus mémoriel.

Que la pensée post-sioniste qui a prétendu mettre à bas ses mythes fondateurs n'a rien proposé de tangible et de concret à la place, et qu'elle a laissé aux post-religieux - rabbins ou pas peu importe - dicter leur loi aux gouvernements successifs.

La colonisation de la partie palestinienne de Jérusalem n'a rien à voir avec le judaïsme traditionnel, pour lequel l'antienne "l'an prochain à Jérusalem" pouvait aussi bien être métaphoriquement comprise comme "demain nous irons dans la paix" (l'étymologie hébraïque de Jérusalem signifiant la "ville de la paix").

Le judaïsme traditionnel, fort d'une millénaire interprétation et exégèse des textes bibliques, n'a rien à voir avec l'interprétation littéraliste des politiciens ou des fanatiques post-religieux d'aujourd'hui.

Ceux-ci, s'ils lisaient qu'il faut aller conquérir Mars, iraient le faire.

Les rabbins ont enseigné pendant des siècles que la notion de "peuple élu" impliquait une responsabilité pour le monde et non pas la volonté de domination qu'ont certains colons ou ultranationalistes sur quelque autre peuple : les Palestiniens en l'occurrence, selon les dits "antisionistes".

La_pens_e_juive_de_Armand_Ab_cassisEncore une fois, ce n'est pas en apprenant ce qu'est soi-disant le judaïsme, dont la part laïque de la pensée a été mise en valeur dans le travail formidable d'Armand Abécassis, montrant l'opposition continue des Prophètes aux rois d'Israël, que les diplomates parviendront à comprendre et à envisager une quelconque résolution du conflit.

Qu'ils apprennent plutôt ce qu'est le post-sionisme religieux et le néo-nationalisme ethnique commun aussi aux pays de l'Est de l'Europe.

Encore une fois, isoler le problème d'Israël en le "judaïsant" serait non seulement scandaleux mais stérile.

Apprendre comment la "communauté homosexuelle" israélienne fête elle aussi Shabbat est dix fois plus important qu'apprendre que l'homosexualité est une abomination dans la Torah - toeva en hébreu, alors que l'homophobie est partagée par nombre d'idéologies n'ayant rien à voir avec le judaïsme.

Comprendre que le mariage mixte n'est pas encore reconnu en Israël du fait du maintien du système ottoman des millet - tribunaux civils communautaires - est bien plus crucial que de répéter sans cesse qu'un "Juif" selon la Torah ne peut épouser un "goy" etc.

Le destin d'Israël comme État-nation ne peut être compris seulement au seul prisme du judaïsme, même si le lien semble ténu.

Et il en est de même pour ce qui est de tous les pays où la population majoritaire est de culture musulmane, mais où d'autres confessions existent et où des mouvements laïcs voire même athées militent.

L'ISLAM POLITIQUE OU ISLAMISME CONTRE L'ISLAM TRADITIONNEL

L'islamisme, fruit naturel de l'islam... La belle explication, absolument fausse, tant historiquement que politiquement.

Comme le rappellent les historiens Gabriel Martinez-Gros et Lucette Valensi, dans L'islam en dissidence, genèse d'un L_islam_en_dissidence__gen_se_d_un_affrontement_de_Gabriel_Martinez_Gros_et_Lucette_Valensiaffrontement, l'islam politique ou islamisme n'est ni la confession islamique ni l'Islam au sens géopolitique et culturel du terme.

Et de montrer dans leur ouvrage que, contrairement aux avatars de la théorie du "choc des civilisations", la civilisation politique de l'Islam a toujours dominé les religieux et les dignitaires de l'islam.

Le palais des princes ou rois ayant toujours dominé la mosquée.

Loin d'être un phénomène "religieux" traditionnel et continu, "authentique", l'islam politique récent est en fait un mouvement de revanche et de dissidence envers un islam traditionnel qui s'était accommodé d'autorités laïques.

En fait, il s'agit là de la revanche de la nouvelle mosquée sur les palais qui ont toujours su la soumettre.

Si l'on comprend la situation actuelle, par exemple au Maroc, il est clair que les premiers ennemis d'un mouvement politique post-religieux comme Al Qaeda sont avant tout la monarchie, qui n'est pas une théocratie malgré le statut religieux du roi, et le Palais, où la réalité du pouvoir politique s'exerce.

Le problème réside en ce que, selon Martinez-Gros et Valensi :"il est des confusions si fécondes qu'on se garde de les dissiper". En l'occurence : celle entre "islam" qui, comme toutes les religions en langue française ne prend aucune majuscule, "religion que Mahomet fonda sur le message inaltérable, sur la parole dont Dieu lui fit la grâce de la dictée" d'une part, et "Islam", avec majuscule, comme toutes les entités géographiques en langue française toujours, qui est "le domaine, vaste mais circonscrit dans l'espace et dans le temps, (14 siècles, le cinquième de l'humanité), où s'est déployée l'aventure des musulmans".

En effet, en Islam, dans le monde culturel musulman, vécurent ou vivent encore des femmes et des hommes de confession israélite, des kurdes, des chrétiens, des musulmans chiites ou sunnites, des athées etc.

 

Et pourtant, un homme comme le Premier ministre de Nicolas Sarkozy, François Fillon, de déclarer récemment, identifiant islam, islamisme et monde musulman que nous sommes en guerre "contre le monde musulman"...

 

 

 

Les diplomates français doivent-ils apprendre d'abord ce qu'est la religion musulmane - l'islam - ou ce qu'est le monde musulman - l'Islam, où, évidemment, l'islam joue un rôle crucial.?

Une fois encore, un "pôle religions" au Quai-d'Orsay ne risque-t-il pas d'encourager de telles confusions? C'est à craindre.

G_n_alogie_de_l_islamisme_de_Olivier_RoySi l'islamisme, omniprésent médiatiquement et cause effectivement de nombre de conflits actuels, était justement considéré, il ne serait pas assimilé à la confession musulmane et encore moins à la culture musulmane.

Les travaux d'un chercheur comme Olivier Roy nous avaient, pouvait-on croire, assez renseignés sur la spécificité politique et post-religieuse de l'islamisme pour que ce genre de confusion fût enfin évité, notamment à la tête d'un gouvernement français.

Brièvement, nous rappellerons ici que dans Généalogie de l'islamisme, Roy nous explique, sans forcément mettre en cause la postmodernité, que "l'étude des mouvements islamistes montre qu'ils sont avant tout un avatar de la modernisation des sociétés musulmanes" et non un phénomène en germe en elle depuis toujours ou un donné de leur civilisation.

"Ils représentent [comme les mouvements post-sionistes religieux ou post-chrétiens], non seulement une adaptation à la modernité, mais même une forme d'intériorisation de cette modernité".

Aux diplomates alors de ne pas tomber dans le piège d'une vaine étude de l'islam traditionnel au détriment d'une appréhension des conséquences politiques de la modernisation du monde musulman.

Car comme Roy l'explique, décrivant un contexte clairement postmoderne : "[la ré-islamisation des sociétés du monde musulman] s'affirme beaucoup plus comme une quête et un choix individuel, sur des modes de religiosité qui ne sont pas très éloignés de ce que l'on retrouve dans le retour à la religion en pays chrétien : quête du salut, de l'équilibre, de l'identité, individualisme de la démarche qui conduit à se réclamer d'une communauté imaginaire, auto-didactisme, fascination pour les gourous en tout genre, loin de l'expression globale d'une culture et d'une société."

Le chercheur de "désislamiser" salutairement la question le temps de comprendre que c'est l'ensemble du monde postmoderne, chrétien aussi, qui fait le choix de la post-religion, individualiste, axée non plus sur l'orthodoxie - supposant une connaissance approfondie que les post-religieux n'ont pas voire refusent pour obtenir un accès direct à Dieu - mais reposant sur l'orthopraxie, les signes extérieurs plus que sur la foi ou le message spirituel d'une quelconque confession...

De démythifier aussi les prétentions à l'authentique tradition dont font preuve les islamistes pour imposer leurs revendications ou justifier les pires crimes : "le revivalisme religieux s'est fait le porteur non d'un retour à une authenticité antérieure mais d'une acculturation et d'une forme d'occidentalisation".

Et de conclure en allant jusqu'à dire qu'"en survalorisant l'idée de révolution islamique, les islamistes ont porté un coup à la légitimité de l'islam traditionnel", "les nouveaux radicaux [critiquant] les cultures traditionnelles du monde musulman : comme les talibans, ils partent en guerre contre la musique, la poésie et les coutumes. Ils imposent un code strict de vêtements et de comportements qui n'a rien à voir avec la culture."

Après tout cela, on rappellera encore qu'il sera vain pour la diplomatie de s'appesantir sur les 7 piliers de l'Islam pour comprendre les situations géopolitiquement conflictuelles.

Et que les ersatz de religion et leurs causes constitueraient les sujets d'études d'un "pôle laïcité" au cœur du Quai-d'Orsay bien plus efficaces pour agir pour la paix dans le monde, toujours dans le respect bien compris, d'une part des religions stricto sensu et de la politique d'autre part, qui demeurera la politique qu'on le veuille ou non.

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En lieu et place d'un "pôle laïcité", le dernier gadget du sarkozysme allié au libertarisme, au communautarisme et au postmodernisme idéologique de gauche - à travers la personne de Bernard Kouchner, qui, comme tous les ministres de l'ouverture-imposture sarkozienne, ne fait pas la différence entre la gauche et la droite -, c'est donc un "pôle religions" qui sera chargé d'éclairer nos diplomates sur les "conflits identitaires" en cours dans le monde...

Rompant avec la vision traditionnelle laïque du monde de la diplomatie française - prenant évidemment en compte la religion mais tout en l'inscrivant dans son contexte culturel, géo-historique, géopolitique, social et humain - Nicolas Sarkozy  rend caduque toute tentative d'analyse complète, dénaturalisée, désessentialisée, complexe et multifactorielle des conflits en cours.

En faisant de la religion le moteur de conflits politiques, en posant l'équivalence entre le conflit dit "identitaire", le politique et le religieux, la diplomatie risque de tomber dans un triple écueil :

  • s'interdire de comprendre la post-religion et la confondre avec la religion traditionnelle en dévaluant de fait cette dernière
  • être incapable de comprendre les rouages politiques et économiques de tout conflit
  • tomber dans le piège du stupide choc des civilisations pseudo-religieuses...

Au lieu de comprendre la nature politique de la post-religion, qui, comme le dit Schlegel, est une réponse au nihilisme du post-modernisme ambiant, au lieu de comprendre les acteurs des conflits post-religieux et donc politiques en cours, le risque sera de donner à  leurs  auteurs une légitimité épistémologique indue.

Les
talibans représentent-ils l'islam? Les post-protestants fanatiques représentent-ils le christianisme? Benoît XVI a-t-il le monopole d'une compréhension du catholicisme? Enfin les ultranationalistes religieux d'Israël sont-ils les représentants du judaïsme?

Non.

Tous ces gens sont des politiciens et doivent être compris comme tels lorsqu'ils sont fauteurs de "conflits" que ceux-ci soient "identitaires" - expression chère au responsable du "pôle religions", M. Maïla - ou non.

Décidément, la France de Nicolas Sarkozy n'a plus rien à dire au monde.

En s'alignant sur des axes de compréhension du monde qui ont déjà échoué ailleurs, celle-ci n'aura plus rien à proposer au monde. Sa vocation universelle, dont cette laïcité pour laquelle tant de femmes et d'hommes meurent dans le monde : tout cela ne fera bientôt plus partie que du passé, de l'avant "rupture" sarkozienne.

 

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