SARKOZY, PRESIDENT DES PATRONS, DES VEDETTES ET DU BOX-OFFICE: "LA NUIT DU FOUQUET'S" DE ARIANE CHEMIN ET JUDITH PERRIGNON

29 novembre 2007

Le 6 mai 2007, fait inédit dans l’histoire de la Ve République, l’ancien maire de Neuilly-sur-Seine qui venait d’être élu président de la République ignora ses partisans et une partie du peuple venus l’acclamer sur la place de la Concorde.

La place de la Concorde, ancienne place de la Révolution, lieu traditionnel de rassemblement du peuple au soir des résultats des élections présidentielles, ici photographiée par Arnaud Frich

Les résultats annoncés, M. Sarkozy préféra aller s’enfermer sous bonne escorte dans le restaurant-palace le Fouquet’s, sur les Champs-Élysées.

Le restaurant-palace du Fouquet's, haut lieu de rencontres de la jet-set cosmopolite mondiale

"Décidément, cette "formule cocktail dînatoire" ne respecte pas l’horaire républicain, qui veut que le couple des vainqueurs rencontre les électeurs avant les amis", lit-on dans La nuit du Fouquet’s, de Ariane Chemin et Judith Perrignon, récit court, très bien écrit et incisif. Si l'on changeait les noms et les lieux, on pourrait penser lire les chroniques non d'une République, mais d'une ploutocratie.

"On oublie de s’étonner que le cortège ne descende pas les Champs-Élysées, pourtant le plus court chemin pour se rendre à la Concorde".

La remontée de "la plus belle avenue du monde" par les nouveaux présidents, coutume républicaine bafouée par M. Sarkozy, le soir de son élection

"Des Hauts-de-Seine à la Concorde se dessine la trajectoire rectiligne de son ascension vers la gloire. […] Ci-vit l’argent, donc le pouvoir, la réussite. De ce triangle d’or il connaît chaque coin d’avenue".

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De 20 à 23 heures, le "nouveau président de tous les Français" (?) préfèrera festoyer aux côtés de ses "vrais", amis, patrons de presse, grands capitalistes, vedettes millionnaires et autres parvenus, dans un palace prisé des "nouveaux riches", produits de la mondialisation hyper-capitaliste, qui peuplent les hôtels ou les beaux quartiers environnants. Les deux journalistes de souligner que:

"Jamais si petit espace n’aura rassemblé, sur quelques mètres carrés, telle aristocratie du capitalisme".

"Ce soir de victoire, ils sont les maîtres du monde. Un Yalta est possible".

"Frères, parents et enfants, par moitié ou par alliance, demi-sœurs par le père, belles-filles et entrelacs de parentèle se mélangent aux gloires du sport comme de la finance".

L'ancien maire de Neuilly-sur-Seine et actuel président de la République, en VRP lors de son voyage en Chine fin novembre 2007

Sarkozy à ses amis présents : "Il semble leur dire encore ce qu’il avait déclaré un peu plus tôt à l’un de ses amis, qu’il décorait d’une Légion d’honneur : Tu es riche, tu as une belle maison, tu as fait fortune, peut-être y parviendrai-je moi-même".

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Ariane Chemin et Judith Perrignon nous donnent aussi à voir la vulgarité, le culte de l’argent et le mépris pour le peuple et le pays que partage l’ancien maire de Neuilly-sur-Seine avec ces amis-là. Elles nous fournissent la liste des invités et décrivent dans une belle langue ce qui fut une soirée évidemment laide. De cette laideur propre à ce milieu de l'argent facile, à cette nouvelle classe de dominants que sont les vedettes et les grands patrons assis sur la mondialisation et les inégalités sociales galopantes qu'elle implique… De cette laideur propre à l’excès d’argent comme au manque d’humanité…

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A propos de Johnny Hallyday , présent à la soirée et de ses convives:

"au recto de son premier 45 tours, en 1959, il était écrit : Américain de culture française, qui chante aussi bien en anglais qu’en français. […] Beaucoup, ce soir, pourraient répondre à cette définition, les yeux rivés sur leurs stock-options, le prime time, les best-sellers, le box-office".

Le prestigieux hebdomadaire états-unien titre cette semaine: "La mort de la culture française"... Il est clair qu'une majeure partie de nos élites économiques, politiques et même universitaires ne la promeut plus, ne la connaît plus, ne la défend pas, ne s'en réclame plus. Et le premier fossoyeur de la culture française s'appelle M. Sarkozy, lui qui a demandé aux Etats-Uniens de l'appeler "Sarko the American" ("Sarko l'américain")...

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A propos de Cécilia Sarkozy et de ses amies, Mathilde Agostinelli, Agnès Cromback, et de Rachida Dati :

"Ça respire le shopping, les grands sacs blancs, en carton griffé avec papier de soie à l’intérieur et les conseil de déco pour vaste appartement dans immeuble de standing, belle hauteur de plafond".

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A propos du photographe Philippe Warrin, choisi par Cécilia Sarkozy pour la soirée :

"Il shoote et shoote encore, redemandant la pose, on essaie ma biche, sans le paréo ? Son book égrenne ces peaux nues et dorées sur coucher de soleil dont on fait les calendriers de charme. C’est Cécilia qui l’a choisi. […] Il succède en un soir à Jacques-Henri Lartigue, artiste peintre, ami de Picasso et empailleur des choses de la vie, à Gisèle Freund, la portraitiste de Leiris, de Beckett et de Cocteau […]".

Philippe Warrin, l'auteur de la photo officielle du nouveau président et de nombresuses photos de mode, un "artiste" élu par l'ex-femme de M. Sarkozy, Cécilia...

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Les auteurs de trancher:

"Aujourd’hui, les photographes attendent le retour d’un président de la République qui fête sa victoire chez un patron de jeux et de casinos".

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Ce comportement et ses amitiés peuvent susciter le dégoût et la révolte. Mais les deux journalistes ont le talent de nous faire sentir que ce premier "geste présidentiel" a son importance politique.

Que la présidence de la République française en sera changée: "Comme il y eut des fêtes à la Bastille, comme il y en eut d’autres à la République, il y eut, le 6 mai 2007, une soirée au Fouquet’s".

Que les rapports entre le pouvoir, la presse, la grande finance ou l’industrie pourraient bien se resserrer puisque "Ce soir-là se trouvaient réunis autour de lui des fortunes colossales, des patrons de presse, des vedettes, le box-office. Ce sont les amis du président. Ils disent beaucoup de lui et de ce qu’il fera demain".

"En une nuit, un lieu, une affiche, s’est écrite la scène primitive du sarkozysme"…

A lire d’urgence. A faire parvenir à ceux qui ont cru que M. Sarkozy était proche de "la France qui souffre", aux électeurs des classes populaires qui n’ont pas entendu parler des 15 milliard d’euros de cadeaux fiscaux offerts à la minorité la plus riche du pays, de l'augmentation de 172% de son traitement, enfin à ceux qui l’attendirent pendant 3 heures place de la Concorde. Ceux-là auxquels il finit, après avoir quitté son restaurant-palace par lancer, avec agressivité et sans conviction :

"Je ne vous trahirai pas, je ne vous mentirai pas. […] Je veux que partout dans le monde, les opprimés sachent qu’il y a un pays généreux, c’est la France".

Il s’en retournera passer la nuit, cette nuit, dans ce même palace… La fête républicaine ( ?) n’avait pas eu lieu à la Concorde, mais au Fouquet’s… Et les opprimés de France n'allaient pas dormir dans un hôtel de luxe, mais dans les rues de Paris...