LE MYTHE DE L'ANTI-AMERICANISME FRANCAIS REPRIS PAR SARKOZY ET OFFERT A GEORGE W. BUSH
L'ancien maire de Neuilly-sur-Seine et actuel président de la République, M. Sarkozy, a réussi à maquiller sa dilection pour Bush et sa fascination enfantine pour les Etats-Unis d'Amérique en "réconciliation". Mais cette attitude repose sur un mensonge grave pour l'indépendance de la France, diffusé par les néoconservateurs états-uniens viscéralement francophobes, et repris tel quel par M. Sarkozy. Cette menterie s'énonce en une phrase: "l'opposition de l'ancien président Chirac à la guerre en Irak était motivée par "l'anti-américanisme primaire" des Français"...
"En Italie et en Allemagne,
les Français sont la raison
de tous les malheurs, la cible
de toutes les balles."
Le cousin Pons
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En 1847 paraissait Le cousin Pons de Honoré de Balzac. Comme toujours chez cet auteur, des réflexions politiques s'immiscent au fil du roman "social", nous délivrant un aperçu vivant de la France, de l'Europe mais aussi du monde de son époque.
La réflexion de Balzac, sur l'impopularité de la France et des Français en Italie et en Allemagne, témoigne des difficultés et des critiques que rencontre inévitablement tout pays perçu comme politiquement, militairement ou culturellement hégémonique. C'était le cas de la France post-napoléonienne de la seconde moitié du XIXe siècle.
Et c'est le cas aujourd'hui des Etats-Unis d'Amérique d'après la Seconde guerre mondiale et surtout d'après l'effondrement de l'U.R.S.S.
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L'impopularité planétaire des Etats-Unis d'Amérique ne saurait s'expliquer seulement par la bêtise ou le fanatisme des peuples qui leur sont hostiles.
Brûler le drapeau des Etats-Unis d'Amérique, un acte d'opposition à la politique de l'administration au pouvoir, une manifestation d'hostilité à l'hégémonie de la "première puissance du monde" ou une illustration de l'"antiaméricanisme"? La frontière est ténue...
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Il y a d'abord ce fait que toute "première puissance mondiale" a toujours été, est, et sera encore forcément l'objet d'une attention scrupuleuse, d'attentes, de déceptions comme d'espoirs, d'amour ou de haine, de fascination comme de répulsion. Il en fut ainsi de Rome, de la France comme de l'Angleterre, de l'U.R.S.S. Il en est ainsi aujourd'hui des Etats-Unis d'Amérique.
Et il en sera de même pour la puissance qui parviendra à cette première place.
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D'autre part, lorsqu'une administration comme celle de George W. Bush, mène une politique messianique d'envergure mondiale, quitte à engager ses troupes et à faire la guerre, comme elle l'a faite en Irak, en 2003, sur des motifs fallacieux, celle-ci doit inévitablement s'attendre à des réactions passionnées dès lors qu'elle engage l'ensemble des Etats-Unis d'Amérique.
Les troupes françaises de Napoléon, envahissant l'Espagne et bien d'autres pays, semèrent les germes d'une haine antifrançaise tenace mais aussi d'une montée des nationalismes dans les pays occupés. La politique de la France napoléonienne se faisait au détriment des voisins de la France. Ces sentiments et ces réactions, souvent mêlés d'une admiration, d'une jalousie et même de ralliements, sont normales. Et l'on ne saurait blâmer les peuples soumis à une hégémonie militaire, politique ou même culturelle de réagir à celle-ci. Le cas des colonies européennes est à ce titre encore plus probant.
Le grand peintre espagnol Fransico Goya a immortalisé la fusillade de prisonniers espagnols par des soldats français, en représailles à une révolte contre la politique napoléonienne en Espagne
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Le 14 février 2003, le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, tint un discours argumenté, raisonné et à bien des égards précurseur, dans lequel il exposait les motifs de l'opposition de la France à la guerre envisagée par le président George W. Bush contre l'Irak. Il rappelait que les raisons avancées par l'administration républicaine des Etats-Unis d'Amérique -présence en Irak d'armes de destruction massive, lien établi entre Saddam Hussein et les attentats du 11 septembre 2001- demeuraient infondées.
Dominique de Villepin déclarait à l'O.N.U.:
"N'oublions pas qu'après avoir gagné la guerre, il faut construire la paix. Et ne nous voilons pas la face : cela sera long et difficile, car il faudra préserver l'unité de l'Iraq, rétablir de manière durable la stabilité dans un pays et une région durement affectés par l'intrusion de la force. Face à de telles perspectives, il y a l'alternative offerte par les inspections, qui permet d'avancer de jour en jour dans la voie d'un désarmement efficace et pacifique de l'Iraq. Au bout du compte, ce choix là n'est-il pas le plus sûr et le plus rapide ?"
[…]
"Dans ce contexte, l'usage de la force ne se justifie pas aujourd'hui. Il y a une alternative à la guerre : désarmer l'Iraq par les inspections. De plus, un recours prématuré à l'option militaire serait lourd de conséquences."
[…]
"Dans ce temple des Nations Unies, nous sommes les gardiens d'un idéal, nous sommes les gardiens d'une conscience. La lourde responsabilité et l'immense honneur qui sont les nôtres doivent nous conduire à donner la priorité au désarmement dans la paix".
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A la suite du général de Gaulle, allié indéfectible mais critique des Etats-Unis d'Amérique, dont le président Nixon avait même reconnu la justesse de ses conseils s'agissant de la guerre du Viêt Nam, le président Chirac avait décidé de prévenir les nord-américains contre eux-mêmes.
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Le 18 mars 2003, le président de la République, Jacques Chirac, adressait donc un message télévisé aux Français expliquant une position de principes, son attachement non pas seulement à la paix, mais aussi à la diplomatie, au droit international et in fine à une conception multilatérale des relations internationales justifiant son opposition à la guerre en Irak:
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Saddam - Chirac 2 Bush ultimatum
Vidéo envoyée par xenoo
Le président de la République, Jacques Chirac, expliquant aux Français les raisons de principe, géopolitiques, juridiques et philosophiques le poussant à s'opposer à la guerre menée par les Etats-Unis contre l'Irak, le 18 mars 2003
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Malgré toutes les précautions requises, malgré une exposition claire, politique, géopolitique, juridique et philosophique de la position française, la haine antifrançaise allait enflammer les Etats-Unis d'Amérique. En France même, les partisans de cette guerre, au lieu d'expliciter rationnellement leur faveur pour cette guerre, allaient traquer une intention cachée, un supposé atavisme psychologique et des sentiments purement subjectifs enfouis au quai d'Orsay comme à l'Elysée, à savoir ce fameux et traditionnel '"anti-américanisme français". Le tout pour mieux dénigrer la position française...
L'opposition française à la guerre en Irak suscita aux Etats-Unis d'Amérique une violente campagne, un déchaînement de haine contre la France et ses symboles, étonnants par leur virulence et leur vulgarité, du boycottage des produits et notamment du vin français à la ridicule rebaptisation des frites -french fries- en Freedom fries , ce qui n'a guère de sens pour les Français eux-mêmes
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Alors que les événements consécutifs à cette guerre d'Irak ont donné raison aux réserves françaises, alors que les mensonges de l'administration républicaine états-unienne sont désormais connus, il paraît impensable au président George W. Bush d'accorder aujourd'hui le moindre crédit à la position française.
Mais, plus grave encore, Nicolas Sarkozy, plusieurs fois ministre de Jacques Chirac, n'a jamais condamné fermement cette guerre et a laissé faire, voire encouragé, la propagation du mythe de l'"anti-américanisme primaire français" comme moteur de la politique étrangère française, peut-être pour mieux se démarquer de Jacques Chirac.
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Pourtant, Jacques Chirac a été le président le plus "américanophile" de la Vième République. Il s'est toujours vanté d'avoir fait une partie de ses études aux Etats-Unis d'Amérique, il parle un anglais quasiment parfait, il a envisagé, dès son élection, le retour de Paris dans le comité militaire de l'OTAN, il a été le premier chef d'Etat à se rendre sur les décombres des attentats du 11 septembre 2001 à New York et il a, malgré la crise irakienne, mené un rapprochement avec les Etats-Unis sur des sujets comme le Liban ou la Syrie.
Mais on ne peut rien contre la haine. Aucun argument raisonnable ne peut tarir ce sentiment irrationnel...
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C'est donc sur ce terreau, le mensonge de l'"anti-américanisme primaire et traditionnel" de la France post-gaullienne et, évidemment, chiraquienne, comme explication de l'opposition à guerre en Irak, que, devenu président, M. Sarkozy a décidé de se présenter comme "Sarko l'Américain".
L'amoureux d'Elvis Presley, de la discrimination positive et du culte du travail et de la consommation comme éthique-vitrine des Etats-Unis...
A la haine antifrançaise, M. Sarkozy ne peut qu'opposer un "amour" et une "fascination" naïve pour les Etats-Unis. Il ne peut que multiplier les démonstrations d'amitié pour le principal artisan de la dégradation de la situation moyen-orientale, promoteur d'une francophobie inouïe, à savoir George W. Bush...
C'est au prix de ce mensonge grave de conséquences, d'un réajustement inquiétant de la politique étrangère française, de gesticulations pro-Bush dangereuses pour l'image de la France -dont les premières vacances présidentielles dans une villa états-unienne pour milliardaires, une "dégustation" de hamburgers avec la famille Bush et des footings arborant le tee-shirt de la police de New-York-, c'est à ce prix que M. Sarkozy aura obtenu les applaudissements du Congrès des Etats-Unis d'Amérique, le 7 novembre 2007.
Déclarant en substance que la "hâche de guerre" est enterrée, que la "brouille" est dépassée, il peut ainsi se présenter comme le "petit père" de la soi-disant "réconciliation" franco-états-unienne...
Tapis rouge à la Maison-Blanche pour accueillir "Sarko l'américain" en novembre 2007...
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Devant le Congrès nord-américain, même si M. Sarkozy a évoqué une amitié laissant place aux divergences, il n'aura pas prononcé une seule fois le mot "Irak", alors que l'histoire donne amplement raison à l'opposition française à l'invasion de ce pays. Alors qu'il s'agit là précisément d'une divergence fondamentale.
L'atlantisme fanatique et souvent ridicule manifesté par le ministre, le maire de Neuilly-sur-Seine, le candidat et le président Sarkozy ont cautionné l'idée que les motifs juridiques, géopolitiques et philosophiques de la position française n'étaient qu'une nouvelle illustration de l'"anti-américanisme primaire" des Français. M. Sarkozy peut donc prendre les "habits" du grand "réconciliateur"... Les propos guerriers du ministre des Affaires étrangères, M. Kouchner, à l'encontre de l'Iran, semblent confirmer le basculement de l'indépendance vers le suivisme atlantiste...
Qu'en sera-t-il alors de la marge de manoeuvre de la France? Tout désaccord futur avec les Etats-Unis d'Amérique n'apparaîtra-t-il pas aux yeux des habitants de ce pays comme un "divorce", une trahison, un "retournement de veste" de "Sarko l'américain"? L'espace pour une distance critique vis-à-vis de l'un de nos alliés n'est-il pas perdu?
La voix comme l'image de la France ne sont-elles pas durablement écornées dans le monde, et notamment dans les pays arabo-musulmans? Les islamistes et leurs affidés ne trouveront-ils pas là un argument de plus -certes immonde mais à leurs yeux légitime- pour mettre la France dans le même sac que les Etats-Unis ou le Royaume-Uni?
Quoi qu'il en soit, le grand vainqueur de toute cette tartufferie est bien George W. Bush, exonéré de toutes ses erreurs. N'était-ce pas à lui, dont la faillite est désormais admise, de faire un pas vers la France?
La triste vérité, c'est que la France est la grande perdante, et avec elle, la possibilité d'un positionnement indépendant et original de l'Europe face à l'hégémonie états-unienne, l'espoir de l'émergence d'un monde multi-polaire régi par le droit et non par la force...
Si le déclenchement de la guerre en Irak reposait sur un mensonge, la pseudo-réconciliation sarkozienne repose elle-aussi sur une menterie...
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