SARKOZY ABOLIT LA REPUBLIQUE LAIQUE
En mettant en avant, à Rome, en décembre 2007, lors d'une visite au Vatican, "les racines chrétiennes" de la France, au détriment de tous les héritages humaniste, philosophique, politique, artistique et révolutionnaire qui ont façonné la pensée, la construction de l'Etat, de la justice des hommes et de la démocratie, l'art et la culture française, le message universel des Droits de l'homme et du citoyen, Nicolas Sarkozy, ancien avocat d'affaires, maire de Neuilly-sur-Seine et ministre de l'Intérieur et des cultes vient d'abolir, au moins rhétoriquement, la République française.
CONSTITUTION DE LA Ve REPUBLIQUE
"article 1er : La France est une République
indivisible, laïque, démocratique et sociale."
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Politiquement parlant, Athènes est la source de notre démocratie. Rome nous a légué la république et la notion d'Etat, au service de la "chose publique". La Renaissance revint à cette antiquité gréco-latine, les Lumières également, la Révolution française, l'Empire puis la République encore.
Les doctrines religieuses quelles qu'elles soient ne sauraient être interprétées comme des Consitutions ou des maquettes de fabrication de régimes politiques.
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Entendre de la bouche du président de la République, que les "racines" (sic) de la civilisation (sic) française sont chrétiennes est proprement scandaleux et dangereux. De quelle civilisation parle-t-il?
En tant qu'élu du peuple, on peut craindre que celui-ci accorde une dimension politique à cette assertion. Ce qui ouvre la boîte de Pandore de l'abolition de la laïcité et de la confusion du "religieux" et du politique. Confusion source de catastrophes dans le monde entier, et qui, assurément, en serait une dans la France républicaine.
L'abolition des sphères publique et privée, la confessionnalisation de l'histoire puis du politique ne signifie pas autre chose que la porte ouverte à tous les radicalismes religieux qui ensanglantent des peuples entiers, qui déchirent le tissu social ou inspirent des grands chefs d'Etat dans la conduite messianique de guerres géopolitiquement injustifiables.
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Des codes de lois laïques régissent la vie de la Cité et des codes juridiques règlent la justice des hommes.
La loi du Talion, les X Commandements, les sermons de Jésus de Nazareth, la Charia peuvent être des sources d'inspiration tacites. Mais aucun rabbin, aucun prêtre, aucun pasteur, aucun imam n'est habilité à imposé ses codes juridiques. La justice est rendue au nom du peuple et certainement pas au nom de Dieu.
La place des "religieux" dans la société devrait être "encouragée" estime le "très-chrétien" président Sarkozy...? Par qui? Comment? Dieu seul le sait... Dans la vision thatchérienne de la société, on sait que la morale "victorienne" encourageait les bonnes oeuvres et les organismes religieux de charité pour la prise en charge des pauvres et des malades. Phénomène logique dans une société où l'Etat ne joue pas de rôle social.
Des représentants élus par le peuple sont censés fabriquer des lois dont la destination est la vie en ce monde. L'Assemblée nationale et le Sénat forment l'agora et le siège du débat démocratique. Celui-ci n'a lieu ni dans une synagogue, ni dans une église, ni dans un temple, ni dans une mosquée.
La laïcité, telle que la prévoit la loi de 1905, que veut remttre en cause M. Sarkozy, est l'unique garantie de la préservation authentique des religions, de leur libre et exercice, tout comme de la neutralité de l'Etat vis-à-vis de celles-ci. La loi sur les associations laisse toute liberté aux différentes communautés de "croyants" souhaitant mener des actions collectives et vivre leur vie communautaire comme bon leur semble, dans le strict respect des lois suprêmes de la République, votées par les représentants du peuple français voire par lui-même directement.
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A remettre en cause ce pilier de la République, M. Sarkozy:
sert la cause de la droite extrême contre-révolutionnaire et réactionnaire
se met au service, et le pays tout entier avec, des thèses anglo-saxonnes sur la nature "religieuse" des civilisations, alimentant potentiellement le projet du "choc des civilisations"
sert la cause islamiste, dont le propre est de politiser le "religieux" et de confesionnaliser le politique
ouvre la voie à toutes les revendications communautaristes, pseudo-religieuses et souvent fanatiquement identitaires qui ne manqueront pas de s'y engouffrer
clôt une période durant laquelle la République avait su pacifier la question religieuse et mettre un frein au danger toujours renaissant des guerres civiles de religion -lesquelles existent encore ailleurs comme elles se projettent sur la scène mondiale
risque implicitement de cautionner le classement par l'organisation islamiste terroriste internationale Al Qaeda, de la France dans le camp des "Croisés".
L'entrée des Croisés à Constantinople par Eugène Delacroix. Les Français sont-ils redevenus, en 2007, des "croisés"?
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On savait ce qu'il en était du mépris de M. Sarkozy pour la chose publique et l'intérêt général. On pouvait se demander ce que la République, conformément à l'article Ier de sa Constitution, avait encore d'"une et indivisible", de "démocratique" et de "sociale".
Il est clair désormais que c'est sa propriété "laïque" qui est aujourd'hui remise en cause, avec les dangers inouïs qu'une telle involution nous fait courir.
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Tout en menant une politique aux antipodes de toute inspiration chrétienne ou catholique, hyper matérialiste et fondée sur le culte de l'argent, M. Sarkozy s'apprête à défigurer la France en la réduisant à une "entreprise à but lucratif" labellisée "chrétienne". C'est bien la fin d'un cycle, si personne n'y prend garde, dans l'histoire de notre pays.
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Cet article Ier de la Constitution, approuvée en 1958 par le peuple français, devrait être l'un des points de ralliement de tous les opposants, tous bords politiques confondus, à cette rupture tectonique et à cette involution aux conséquences effroyables, pour le peuple français, voulues par Nicolas Sarkozy. Un président indigne de l'histoire du pays qu'il prétend présider et représenter, sans en connaître ni le passé ni l'histoire politique. Car la confessionnalisation de l'histoire de France n'est rien d'autre qu'une forme avancée et post-moderne de révisionnisme historique.
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